II y a comme un embarras quand on est appelé à parler des défis en Afrique. Il y en a tant ! Je voudrais donc seulement relever quelques aspects auxquels le Frère Mariste se trouve confronté, aujourd’hui, de façon quasi quotidienne.
Les besoins auxquels nous pouvons répondre par vocation sont nombreux et variés. Le choix des priorités ne s’impose pas toujours et une fois que le minimum de clarté est établi sur ce qu’il y a à faire, survient le problème des voies et des moyens.
Comment faire ? Comment concilier l’urgence d’une réponse au besoin immédiat avec la participation à un travail de longue haleine pour transformer la société ? Ce travail de discernement est en lui-même un défi. Nous devons le faire dans des domaines qui nous concernent beaucoup.
Les moins de 25 ans représentent plus de la moitié de la population africaine. En général, les structures économiques et sociales en Afrique sont si faibles que la majeure partie de cette jeunesse est inoccupée. Alors différentes formes de banditisme et de prostitution sont devenues pour beaucoup, les moyens habituels de gagner leur vie. Les jeunes sont partout les premières victimes du désordre social et du dépérissement économique. En plus de son travail concret d’éducateur, le Frère Mariste doit éveiller l’attention des responsables au danger de la dégradation de la jeunesse.
C’est ici le terrain traditionnel du Frère Mariste. Cependant les données ont tellement changé que de toute évidence le défi a aussi changé de nature. En Afrique, je crois que l’éducation doit s’attaquer à des questions de fond. Par exemple :
- Les jeunes doivent être éduqués au sens du bien commun. L’égoïsme des dirigeants politiques et les systèmes actuels de gouvernement semblent avoir détruit cette notion.
- Il est urgent que les jeunes recouvrent la confiance et réapprennent la solidarité au-delà des groupes naturels d’appartenance. Les conflits et les guerres civiles qui détruisent les nations africaines aujourd’hui sont souvent dus à une vision étroite de l’appartenance et de la solidarité.
- La découverte des valeurs évangéliques constitue un recours qui permet d’espérer un changement véritable de mentalité. Ces valeurs permettent de faire face au défi de l’éducation.
Mais comment faire passer les valeurs évangéliques dans le système éducatif et dans son travail personnel ? Pour ma part, je répondrai deux choses : la sensibilité et la joie.
Au contact des Frères en formation, je suis devenu très sensible à leur besoin de formation. Leur expérience et leur opinion sur l’apostolat du Frère Mariste sont utiles. C’est dans un cadre de dialogue et d’écoute qu’ensemble nous avons envisagé les profondes modifications survenues au niveau des besoins auxquels s’adresse le charisme du Père Champagnat et l’urgente nécessité d’un travail d’adaptation.
Le dynamisme observé aussi bien chez les Frères en formation que chez les formateurs est pour moi un authentique motif de joie. Chez plusieurs, j’ai noté un souci et une volonté d’acquérir un bon équilibre entre la formation académique, les connaissances pratiques en vue d’un apostolat des jeunes et une croissance spirituelle personnelle. Cette joie n’est pas signe de naïveté. Elle constitue un élément de base pour le discernement des signes des temps en vue de faire face aux défis que nous lance le charisme de Marcellin Champagnat aujourd’hui.
Frère Théoneste KALISA
(Publié dans « Présence Mariste » n°205, octobre 1995)