
Quand les Frères Maristes écrivent leur Guide des écoles en 1853, l’école est encore un centre d’éducation populaire globale plus qu’un lieu limité à l’instruction. On cherche à y socialiser les enfants par le catéchisme et les pratiques religieuses, à leur inculquer une conduite raisonnable et un savoir minimal.
Tous les enfants de la paroisse peuvent être admis à l’école à partir de six ans, parfois avant si la classe a moins de 80 à 100 élèves. Les Frères peuvent recevoir les enfants des paroisses voisines, mais comme externes (« forains »). Les enfants protestants sont dispensés d’apprendre le catéchisme et de se rendre à la messe. Les Frères n’aiment pas que des enfants prennent pension chez des particuliers car ces « caméristes » sont mal surveillés. Aussi, dans bien des écoles, les Frères logent quelques « caméristes » ou « besaciers ».
Les classes ouvrent à 7h 30 le matin, et à 13h le soir. Les élèves en avance ne doivent pas traîner et crier dans les rues mais jouer dans la cour. Mais le mieux est qu’ils restent chez leurs parents jusqu’à l’heure de l’école.
Au signal donné, comme à l’église les enfants entrent en classe en silence, se découvrent, prennent de l’eau bénite, font le signe de la croix, saluent le crucifix et le maître. A genoux sur leur banc, ils disent un Ave Maria. Puis ceux qui savent lire repassent leurs leçons ou les récitent à un élève répétiteur ou au Frère. Dans la petite classe, le Frère fait lire le tableau de lecture aux commençants, et les moniteurs font apprendre les prières à ceux qui ne savent pas lire.
En principe, à 8h, on conduit les enfants à la messe de la paroisse. Au retour on récite la prière du matin. Le soir, la classe commence par le chapelet, à 13h 30. Les enfants se tiendront à genoux dans une posture modeste, les yeux baissés, les bras croisés ou les mains jointes.

Un temps important est donc dédié aux pratiques religieuses. L’atmosphère est quasi liturgique. Les Frères eux-mêmes doivent être exemplaires et vigilants, se tenant sur leur siège, et ne le quittant que par nécessité, par exemple pour corriger l’écriture. Dans les petites classes, les tableaux de lecture seront toujours placés de manière que les Frères puissent faire lire sans descendre de leur siège. Leur tenue, droits ou assis, doit être si réservée qu’elle puisse servir d’exemple aux élèves. Jamais ils n’auront aucune familiarité avec eux, et ils ne permettront pas que ceux-ci leur parlent sans permission ou sans respect.
Les enfants sont debout pendant la récitation des leçons ; assis quand ils lisent. Les petits, qui lisent sur les tableaux, auront les bras croisés sur la poitrine ; et ceux qui lisent dans les livres devront les tenir avec les deux mains légèrement appuyées sur le bord de la table, avoir le corps droit, les pieds rangés et ne pas balancer la tête en lisant.
En général les écoles communales ont deux classes comportant plusieurs divisions. Mais, dans les chefs-lieux de canton et les villes, le Guide prévoit quatre classes. Toutes suivent le même horaire : à 8h 30, après la messe, prière du matin, appel, visite de propreté, correction (c’est-à-dire punitions et recommandations) et une 1/2h de catéchisme. Puis commencent les leçons profanes.
Il n’est pas difficile de voir que le temps quotidien d’instruction proprement dite est relativement réduit : environ 2h le matin et l’après-midi. De la petite à la grande classe, le programme consiste à peu près uniquement à savoir lire, écrire et compter. Seule, la classe supérieure, quand elle existe, donne aux plus avancés des compétences techniques.

Le souci d’ordre et de bonne éducation transparaît particulièrement dans le rituel de sortie. Au signal donné, les élèves se tiennent debout, les bras croisés puis sortent en commençant par les derniers bancs, chaque élève faisant une légère inclination au Crucifix et une autre au maître. Ils se rangent dans la cour, « formant autant de bandes qu’il y a de quartiers ou de rues principales dans la ville ou dans le bourg », les plus petits étant placés les premiers. S’il n’y a qu’une rue, on la divisera en trois ou quatre sections. Une fois rangés dans la cour, les élèves saluent le maître, et partent en rangs deux à deux, ceux des quartiers les plus éloignés sortant les premiers. Un élève surveillant marche hors des rangs, et rendra compte de la conduite des élèves de sa section. A mesure que les élèves arrivent devant leur maison, ils entrent chez eux, sans s’arrêter.
Pour un lecteur d’aujourd’hui, ce règlement peut apparaître comme un dressage un peu militaire plus que comme une éducation. Mais il s’agissait d’un cadre de référence qui devait supporter bien des assouplissements et affronter bien des résistances dans une société où l’école commençait juste à voir reconnue son utilité éducative.