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22 Le blason mariste

Dès la plus haute antiquité, des rois aux particuliers, on utilisait des sceaux permettant d’authentifier toutes sortes d’actes politiques, judiciaires, commerciaux. Souvent, le sceau propose des figures symboliques plus ou moins transparentes. En tant que groupe social et religieux, les Frères Maristes ont donc élaboré leur propre sceau, en partant d’un A et un M entrelacés qui signifient les deux premiers mots d’une prière en latin : AVE MARIA (Je vous salue Marie). Ce symbole, très présent un peu partout, était compris de tous et décliné selon des formes variées. Il n’est pas surprenant que, portant le nom de Marie, les Frères Maristes en aient fait leur sceau et leur blason comme nous le voyons ci-contre. Encore fallait-il donner une forme spécifique à un symbole courant.

Le "AM", aux formes très baroques était courant à l’époque de Louis XV où le style rococo, plein de courbes et d’entrelacs, était très à la mode. Nous le trouvons sur un petit autel en bois datant du XVIIIe siècle, conservé aujourd’hui à Lavalla dans la chambre du P. Champagnat. Il appartenait peut-être à la chapelle du rosaire de la paroisse avant la Révolution. Un M A de style proche existe sur l’autel de la première chapelle de l’Hermitage de 1825 à 1836, lui aussi de style Louis XV. Il est actuellement à Rome.

Enfin, l’autel de la chapelle actuelle de l’Hermitage réalisé en 1836, en style Louis-Philippe, suit cette tradition en simplifiant les lettres. Mais il trahit une autre influence : celle de la Société de Marie (Pères Maristes) dont le blason renferme une symbolique très riche mais un peu ésotérique. Il est encadré à gauche par des lys, symbole de pureté et à droite par des roses signifiant la fécondité. C’est Marie, immaculée et rose mystique, vierge et mère. Il est surmonté par une couronne d’étoiles. Au-dessus du "AM", une couronne d’étoiles ; et en-dessous, un croissant de lune sont des références au chapitre 12 de l’Apocalypse, représentant la femme couronnée d’étoiles, revêtue du soleil, la lune sous ses pieds. Enfin, dans la bordure extérieure avec les mots « Societas Mariae » figurent un cep de vigne et un épi de blé, symboles eucharistiques. L’autel de 1836 a repris une partie de ces symboles en les simplifiant ou en les interprétant.

Les en-têtes du papier à lettres de l’Hermitage sont beaucoup plus figuratifs. Vers 1830, elles présentent la Vierge et l’enfant, sur un nuage et bénissant le monde : c’est l’illustration du dogme de l’Assomption. Et lorsqu’en 1837-38, l’institut imprime ses premières règles et ses Nouveaux Principes de lecture cette image figure sur les pages de titre.

En revanche, en 1839, le papier à lettres présente Marie selon la médaille miraculeuse : debout et les mains lançant des rayons vers la terre. Mais cette représentation ne s’imposera pas.

Vers 1840 nous entrons dans une nouvelle phase. Le portrait de Marcellin Champagnat réalisé après sa mort en 1840-41 comporte dans son coin droit un texte surmonté d’une couronne et d’un "AM" en lettres romaines capitales. Et une lithographie de ce portrait réalisée entre 1840 et 1850 reprend ces mêmes formes.

Le blason n’est toujours pas fixé en 1855-56 : le Guide des écoles (1853) et le Manuel de piété (1855) présentent un M surmonté d’une croix entouré de deux décorations florales. La Vie du P. Champagnat, de 1856 nous offre, sur sa page de titre, un "MA" de facture très classique sans autre ornement symbolique.

Ce n’est qu’après 1860 que s’impose un "MA" proche de celui des autels de style Louis XV. Je suppose que cette forme s’impose entre 1860 et 1863, au moment où le F. Louis-Marie réorganise l’Institut en profondeur. C’est peut-être à cette époque qu’est réalisé le sceau très complexe représenté en tête de cet article, qui contient en outre en-dessous du "MA" l’image stylisée de trois fleurs symboles d’humilité, simplicité et modestie, vertus mariales et maristes et la formule "V. J. M. J." (Vive Jésus Marie Joseph). En tout cas, à partir de 1868 (Biographies de quelques Frères…) tous les livres publiés par les Frères Maristes portent un "MA" très caractéristique surmonté d’une couronne de douze étoiles qui va ensuite être décliné un peu partout jusqu’à nos jours sur toutes sortes de supports.

Si l’on y prend garde, l’essentiel de la symbolique a été conservé : par exemple le "MA" est prolongé par des arabesques qui symbolisent les fleurs mystiques des origines ; et la couronne de douze étoiles est toujours là. Après divers tâtonnements les Frères Maristes sont parvenus à un logo relativement simple, offrant une symbolique un peu ésotérique à une époque (1860-70) où les signes explicitement religieux commencent à être contestés.

F. André Lanfrey
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