Effondrement

On parle d’effondrement… C’est même devenu une science : la collapsologie…
Notre civilisation n’en aurait plus que pour quelques décennies, voire quelques années seulement… Et effectivement, on le voit bien, notre monde change, et l’on se demande si l’on ne va pas dans le mur…
Le climat se dégrade, suite à nos pollutions diverses et à l’exploitation outrancière de la nature.
Les économies s’effondrent, et il ne se passe plus un jour sans que des centaines de travailleurs se trouvent plongés dans le chômage et des situations de plus en plus précaires.
Les ressources énergétiques s’épuisent.
Les pandémies perturbent nos habitudes, poussent à l’isolement et épuisent nos sociétés. On ne croit plus en nos politiques, et d’une façon plus générale à la démocratie. Et on ne sait plus comment retrouver notre autonomie face à la toute-puissance de la finance.
Le tout amplifié par des médias à l’affut du pire, à la grande satisfaction, il faut le dire, de leurs consommateurs que nous sommes tous !
Faut-il donc baisser les bras, succomber au découragement, baisser les bras et attendre le déluge ?
Tectonique des plaques

Non, bien sûr ! Il faut faire la part des choses…
Certes, un monde s’effondre… Celui de cette civilisation basée sur la croissance quantitative jugée infinie, comme les ressources nécessaires à son développement. C’est ce monde thermo-industriel qui s’effondre. Indubitablement…
Osons la comparaison des plaques tectoniques, sans cesse en mouvement sous nos pieds… On le sait, les plaques se séparent ou entrent en collision… Dans ce dernier cas, une des plaques glisse sous l’autre et disparaît peu à peu… Pendant qu’un autre paysage se construit à partir de celle qui passe au-dessus…Mais on le sait aussi, ça ne se passe pas sans mal, et séismes et tsunamis sont là pour nous le rappeler. Et pourtant, le mot tectonique, a la même étymologie que le mot architecte ! C’est donc un mot à consonance positive… Peut-on transposer à notre effondrement actuel ?
Changement de paradigme
Un monde s’effondre… Un autre naît !
Cessons de nous lamenter sur la disparition du monde ancien… Cessons de nous arc-bouter sur des prétendues valeurs qui prennent l’eau de toute part… Même si ça fait mal ! Laissons à ceux qui ne voient dans l’avenir qu’un prolongement d’un présent incertain, et regardons ce qui se dessine autour de nous, et avec nous, sans doute…
Le Pape François parlait de changement de paradigme dans son encyclique « Laudato si »… C’est en effet bien de cela qu’il s’agit, et pas seulement de petites retouches cosmétiques de notre quotidien… Le mot paradigme a été popularisé en 1999 par Thomas Kunn, dans un livre « la structure des révolutions scientifiques »… Il vient du grec paradeigma, qui signifie exemple… Chaque fois que quelqu’un arrive avec un nouveau paradigme, une nouvelle hypothèse de travail, il s’oppose aux partisans de l’hypothèse précédente, et crée une crise profonde, car tout système, par nature, cherche à se défendre…
Cette crise prend quatre formes successives :
- Tout d’abord, le nouveau paradigme est ignoré,
- Ensuite il est ridiculisé,
- Puis sauvagement attaqué,
- Et finalement tout le monde convient que c’est la seule façon de penser…
C’est bien un peu ce qui se passe quand on regarde de plus près les évolutions de ces dernières décennies. Je me souviens d’un ami, dans les années 80, qui portait résolument ses convictions écologiques envers et contre tout… On le traitait de « cuicui les petits oiseaux », puis l’un d’entre nous l’affubla du surnom de « Tchernobyl », après la catastrophe du même nom… C’était il y a quarante ans… Aujourd’hui, son message est porté par des millions de gens, et il est en passe de devenir, au moins dans les intentions, si ce n’est dans les faits, le nouveau paradigme de nos comportements. C’était un prophète.
Les prophètes

Regardons autour de nous !
Quels sont nos prophètes ?
Quels sont les signes de ce nouveau monde qui, comme ce sens nouveau du respect de la terre, surgit autour de nous ?
Sommes-nous nous-mêmes des prophètes ?
Voici quelques domaines à explorer :
- Le respect grandissant de la nature, comme nous venons d’en parler… Mais c’est l’objet d’un autre article de ce dossier …
- Les orientations vers les énergies renouvelables, du niveau de nos foyers, aux plus hautes sphères de l’industrie, même si les motivations ne sont pas toujours très claires.
- Le développement grandissant des économies circulaires et de tous les circuits alternatifs.
- La montée de l’égalité entre les femmes et les hommes…
- Le remplacement progressif des structures verticales, par l’horizontalité, dans les entreprises, les relations sociales et même un peu en politique… Une remise en question du patriarcat, qui domine le monde depuis l’invention de l’écriture…
- Le souci de la croissance qualitative, aux dépens de la croissance quantitative qui arrive à son terme…
- Ce que l’on commence à appeler « l’économie de la connaissance », avec le développement des technologies de l’information, et du système des réseaux sociaux… Et peut-être l’entrée, par ce biais, dans le monde de la noosphère, sorte de « nappe pensante » qui recouvre toutes les activités cérébrales et mécaniques de la mémorisation et de l’information, cher à Teilhard de Chardin.
Dans chacun de ces domaines, repérons les prophètes, écoutons-les, amplifions leur message… Ne nous laissons pas impressionner par les moqueries à leur encontre, leur renvoi méprisant chez les « amishes » ou dans le monde de la lampe à huile…
Ce n’est pas simple, d’être prophète ; c’est aller contre le courant et les idées reçues… C’est s’exposer aux critiques, aux attaques et aux résistances parfois violentes du monde qui meurt. C’est surtout défendre l’inconnu, à l’encontre des pistes qui « ont fait leurs preuves » ; et l’inconnu ne rassure pas nos contemporains.
C’est aussi lutter contre ses propres peurs, ses propres manques de confiance…
C’était bien les craintes de Jonas : prédire la destruction de Ninive, alors qu’il se doutait bien qu’elle ne se ferait pas, car la bonté de Dieu serait la plus forte.

Aidons nos prophètes.
Soyons nous-mêmes prophètes…
Car c’est ce monde nouveau qui gagnera !

Un autre monde est à notre portée.
Un monde fondé sur l’humilité, la sobriété et le partage.
Un monde où les joies profondes seraient plus désirées que les plaisirs éphémères.
Un monde plus équitable, plus fraternel, davantage relié à la Terre.
Ce monde n’est pas une utopie.
Nous pouvons tous contribuer à le faire advenir

Nous vivons un changement de société rapide et profond
car la rationalité moderne, l’approche patriarcale et le capitalisme industriel
ne sont plus capables de formuler une réponse satisfaisante
ni au problème de notre survie collective et de celle de l’environnement,
ni aux problèmes sociaux et démographiques de notre monde
en ce début de XXIe siècle.
Ils sont déjà dépassés car ils ne font plus sens :
ils conduisent à la mort.