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Nous sommes les mains de Dieu

Michel Duchamp a été enseignant et surtout chef d’établissement dans l’Enseignement catholique, en particulier dans le réseau ignatien. Son parcours de vie s’inscrit dans une période marquée par de profondes transformations au plan religieux et sociétal. A travers son propos, on découvre comment l’évangile peut donner sens et cohérence à une vie d’homme aujourd’hui à travers divers engagements vécus bien concrètement.

Formation

Michel Duchamp

Dire ce que signifie pour moi « être chrétien » est indissociable du parcours qui m’y a amené. Chaque étape de cette évocation de mes expériences de vie nécessiterait un article complet : je devrai me contenter de quelques lignes…

J’ai été éduqué dans une famille très religieuse ; plutôt dans la bienveillance… Signe de l’esprit qui régnait à la maison, des cinq garçons qui composaient la famille, quatre sont allés au séminaire, et un au juvénat des Frères Maristes, et c’était moi !

J’avais 15 ans et demi, quand je suis parti au noviciat… Je dois à cette période une solide culture religieuse. Et c’était au temps de Vatican II, dont l’esprit commençait à se diffuser ! Revers de la médaille : il y avait bien peu d’exercice de l’esprit critique, et en bien des points, l’expérience « ascétique » tendait à tourner au « lavage de cerveau » !

Photo à Lacabane

Heureusement les deux années qui suivirent, le scolasticat, se terminèrent par mai 68… Accompagné par des professeurs et un environnement pas trop hostile aux idées nouvelles, cette période m’a permis de rétablir l’équilibre.

Mais rapidement, la vie en communauté me sembla manquer de sens. Après un bref intermède de vie en communauté de quartier, je préférai quitter l’institution.

Entre deux eaux

Les vingt ans suivants furent marqués par des choix majeurs et des instants magiques : notre mariage, deux ans en Afrique, notre installation à Civrieux, puis la naissance de nos deux premiers enfants… Une vie religieuse, entre deux eaux, illustrée d’une part par notre participation au « caté », dans les établissements où nous sommes passés, et d’autre part par une vie paroissiale plutôt réduite.

Frémissements

La naissance de notre troisième enfant et la disparition de ses deux frères jumeaux, nous rapprochèrent de l’Église… Et de fil en aiguille, je me suis retrouvé dans l’équipe d’animation paroissiale.

C’est au même moment que dans les écoles jésuites, on prend conscience de la nécessité de ne plus séparer projet éducatif et projet pastoral, le projet éducatif devenant lui-même à part entière projet pastoral. Ne serait-il pas temps d’unifier aussi spirituel et temporel de ma vie ?

Résurrection

Vacances et Evangiles

Au bout de ma plume

En ce début des années 2000, la spiritualité ignatienne est déjà bien présente dans ma réflexion : c’est elle qui sous-tend toutes les sessions de formation organisées par les Jésuites pour leurs chefs d’établissement.

Mais c’est avec Vacances et Évangiles, sous l’inspiration de la Roche d’Or, que je découvre la dimension nouvelle que cette spiritualité donne à la vie…

Dieu n’a pas de mains, nous sommes les mains de Dieu… Loin du Dieu Tout-Puissant, et de ce fait inaccessible et bien peu attirant, voici le Dieu de Pierre Teilhard de Chardin pratiquement quémandeur de l’aide de l’homme, et qui l’invite à participer à sa divinité.

Claveisolles

Une autre expérience a transformé ma vie spirituelle. C’est une messe, de l’ACE (action catholique des enfants), à laquelle Aurélie nous avait invités, à la fin d’un camp où était notre dernière fille, à Claveisolles. Ce sont tous les petits objets fabriqués par les enfants dans la semaine que le prêtre, après un offertoire fortement mis en valeur, a consacrés corps et sang du Christ. C’est ce que nous faisons qui, dans l’Eucharistie, devient Dieu ! Ça aussi, ça change tout !

Maladie

La maladie, en 2006, m’a permis de prendre du recul et de penser à moi… Mais elle m’a aussi irrémédiablement poussé à la retraite et modifié totalement mes priorités… Dieu n’est pas seulement derrière mes activités professionnelles, mais aussi et surtout dans ma vie familiale, dans mes bricolages quotidiens avec ou sans mes enfants, dans mon activité associative… Je découvre « l’être sans faire », et la valeur du silence !

Aurélie

Et, en 2019, le décès d’Aurélie, notre grande fille, est une véritable leçon… On peut dire

Aurélie

qu’Aurélie a réussi sa mort… Elle a espéré jusqu’au bout de ce qu’elle pouvait faire.

La préparation de ses obsèques et la cérémonie elle-même, ont été la révélation de sa foi et de ce qui est la mienne : au moment de l’offertoire, c’est toute sa vie, sous forme de carrousel de toutes les couleurs, que ses amis et sa famille ont apportée à l’autel, pour qu’elle devienne Dieu…

Profession de foi

C’est ce à quoi je crois ! Je crois en ce Dieu qui est le bien vers lequel va le monde ! Mais en ce Dieu fait homme pour que l’homme soit ses mains…

Et je crois en la force de cette communauté des hommes de bien, d’hier, d’aujourd’hui et de demain, qui, comme les petits objets de Claveisolles et le carrousel de la vie d’Aurélie, les fait devenir Dieu.

Et en l’Incarnation… Un mystère ? Dieu fait homme… C’est vrai pour le Christ ; entre Transfiguration et Jardin des Oliviers… Jésus qui doute, éloigne de moi ce calice ! C’est le Christ homme… Et c’est vrai pour moi, également homme qui participe à la divinité !

Et en mes engagements, comme ma part dans l’action de Dieu dans ce monde : mon ancienne vie professionnelle, ma participation actuelle à l’accueil des migrants, ma vie associative, la revue, etc… comme ciment entre ma foi et ma vie…

Ma place dans l’Église

Lorsque je parle de mes convictions avec des amis qui sont bien loin de la foi, qui sont même quelque peu hostiles, ils me disent : oui, mais c’est pas ça, les chrétiens ! Ils restent sur la perception de cette religion qui leur a été enseignée au caté… Peut-être ! Mais alors où suis-je ?

J’avais lu un article dans le monde sur les catholiques de France : ils étaient classés dans 6 catégories¹ : je ne me retrouve vraiment dans aucune ! Je veux seulement participer à la communauté des gens qui veulent le bien, et par qui le bien arrive…

Et je me retrouve dans les messages de notre Pape François, pour qui la prière est « une relation avec un Dieu au visage le plus tendre, qui ne veut inspirer aucune peur chez les hommes » (La Croix, 13 mai 2020).

Une enquête inédite dresse le portrait des catholiques de France, loin des clichés. Le Monde 12 janvier 2017

Michel Duchamp
Le Christ au jardin des oliviers
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