PM : Quelle est la situation actuelle de l’entreprise et vos principales préoccupations ?
J. C. Couzon : Elle est très difficile vu la conjoncture économique. Mon principal souci est de pouvoir sortir un salaire mensuel au personnel ; et de pérenniser l’activité de l’entreprise. J’ai pu poursuivre et même développer l’entreprise léguée par mon père et rester indépendant.
PM : Globalement que signifie pour vous « espérer » dans le cadre de votre entreprise ?
J. C. Couzon : Espérer, c’est attendre quelque chose de mieux pour la suite ; cela suppose de croire en quelque chose ou en quelqu’un.
Dans l’entreprise, c’est être à l’écoute du personnel. Les employés savent que ma porte est ouverte. Ils viennent demander conseil pour toutes sortes de problèmes et espèrent que je vais trouver une solution, à partir de mon expérience et aussi des relations que je peux avoir. Évidemment, cela ne réussit pas toujours, mais pour eux, le fait d’avoir parlé et d’être écouté est déjà très important.
PM : Où puisez-vous la force de semer ainsi l’espérance ?
J. C. Couzon : En fait, j’essaie de suivre le chemin tracé par mon père qui consacrait beaucoup de temps à l’écoute des autres ; ceux de son entreprise, mais aussi beaucoup de jeunes en dehors. Il reste pour moi un exemple. Il avait un vrai souci des autres qu’il puisait dans sa foi. Pour moi, c’est en prenant du temps, par exemple, dans une église, pour être au calme, me recueillir, réfléchir à ce que les autres me confient, que je me ressource.
PM : Comment exercez-vous votre rôle de chef d’entreprise ?
J. C. Couzon : Dans cette dimension sociale de mon rôle, je n’aurais jamais pensé, avant d’être patron, que je serais témoin de tant de situations difficiles chez mes employés : alcool, divorce, enfants difficiles à gérer, situation financière. Je n’imaginais pas qu’il y avait autant de personnes ayant du mal à boucler les fins de mois. Ce qui m’étonne, c’est que mes employés, quel que soit leur poste, viennent me voir pour parler, demander conseil. Il n’est pas facile de faire parler les gens sur leurs problèmes. Il faut apprendre à écouter. J’ai l’impression que de plus en plus souvent les gens m’interpellent, me sollicitent ; la plupart directement. Parfois, je m’aperçois qu’un tel ne va pas bien. Alors, je lui parle sur son lieu de travail et il se met à parler.
PM : Quels signes d’espérance percevez-vous chez vos employés ?
J. C. Couzon : Je suis surtout témoin de leur inquiétude : par rapport à leur emploi dans l’entreprise ou dans leur famille. Mais parfois, certains reviennent me voir pour me dire que ça va mieux, qu’ils ont fait ce que je leur avais conseillé. Je bénéficie, en quelque sorte, de l’esprit que mon père avait su créer dans son entreprise : les employés se sentent écoutés ; ils savent que ce qu’ils me disent restera entre nous.