Le Chapitre général de 2009 avait déjà introduit une nouveauté de taille dans son fonctionnement. La méthode parlementaire avait fait place à la recherche de consensus. L’image la plus parlante de ce changement était la modification de la salle du Chapitre. On était passé des gradins d’un amphithéâtre, style parlement, à une salle plane occupée par des « tables rondes ».
Le 22e Chapitre général a repris cette disposition mais a encore introduit des nouveautés ! Pour la première fois on a fait appel à un facilitateur externe : M. Matthieu Daum, directeur de la société Nexus spécialiste dans l’accompagnement des groupes vers le changement. Autre première : La participation d’un groupe de 25 jeunes de la province Norandina a été décapante. Pendant une journée, ils ont « dirigé » le Chapitre et nous ont interpellés sur notre présence auprès des jeunes.
La rencontre avec les situations de jeunes en détresse dans la cité de Medellin a été une autre nouveauté. Hébergés dans des foyers ou des centres sociaux, suite à des problèmes familiaux ou à la guérilla, leur expérience nous a bouleversés et nous a rappelé combien la phrase de Champagnat avait de la résonance aujourd’hui : « il nous faut des frères ».
Mais dans le fonctionnement du Chapitre la grande nouveauté a été la dynamique utilisée : le « processus en U » (U process) développé par Otto Scharmer, maître de conférence au Massachussetts Institute of Technology. Cette méthode nous évite de répondre immédiatement à la question : Que devons-nous faire ? Elle nous invite a un cheminement qui nous fait passer par une perception de la réalité qui nous entoure, par un abandon de tout ce qui nous attache (letting go) pour permettre aux nouvelles réalités d’émerger (letting come) et ainsi de réaliser notre but commun. Scharmer fait le constat que bien souvent les enjeux sont déterminés par le passé et ne prennent pas suffisamment en compte le futur émergent.
Il faut reconnaître que cette méthode nous a fait passer par des moments de doute, voire d’impatience. La durée limitée du Chapitre et l’ampleur de la tâche à accomplir, notamment la révision des Constitutions, en a inquiété plus d’un parmi les participants. Cependant cette méthode nous a permis de définir les cinq appels du Chapitre pour les années à venir.
Faut-il avoir recours à des méthodes nouvelles empruntées à la société civile pour la conduite d’un Chapitre ? N’est-ce pas pas faire obstacle à l’œuvre de l’Esprit ? C’est oublier que l’Esprit est celui qui nous pousse en avant, qui « souffle où il veut… » Il n’est pas à chercher dans un passé révolu mais davantage dans un futur qui émerge. Et ces moyens « humains » sont aussi l’œuvre de l’Esprit. C’est d’ailleurs Lui qui souffle au prophète Isaïe cette sentence : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? » (Isaïe 43, 18-19).