Vice-directeur du Séminaire, vicaire épiscopal, curé doyen de paroisses puis directeur de l’Institut de Formation aux ministères et enfin titulaire de la chaire de pastorale à l’Université de Fribourg, et aussi arbitre de football, professeur de guitare classique, directeur le l’Octuor vocal et auteur de plusieurs ouvrages, François-Xavier Amherdt démontre que les domaines qui lui tiennent à cœur ne sont pas aussi contradictoires qu’on veut bien le dire.
Rencontre avec ce Suisse du Valais qui associe volontiers sport, musique et religion.
Autrefois curé de paroisse, à Sierre, en Valais, François-Xavier Amherdt est docteur en philosophie et en théologie de l’université de Fribourg, mais également arbitre de football.
Depuis trente ans, il se plaît à troquer régulièrement son aube blanche pour la tenue d’homme en noir, avec notamment cinq années passées au niveau de la Ligue nationale suisse.
Licencié en sciences bibliques, il a fait paraître trois ouvrages de méditations sur les saintes Écritures. Le second tome s’intitule “Dieu est arbitre” et illustre l’actualité des Évangiles à l’aide d’anecdotes et d’images sportives. Et dernièrement il a fait paraître “SMS Saints Messages Spirituels”.
François-Xavier Amherdt, comment vos paroissiens réagissent-ils face à votre passion pour le sport ?
On reproche souvent à l’Église d’être distante. Le prêtre doit donc essayer de se mêler aux gens. L’arbitrage, tout comme le sport en général ou la musique, est pour moi une ouverture d’esprit et une base métaphorique pour mes homélies. À mon arrivée à Sierre, les paroissiens m’ont avoué leurs craintes d’entendre à chaque messe des sermons inspirés d’événements sportifs. Je n’en abuse pas et tâche plutôt de faire intervenir l’actualité et le vécu des gens.
Quelles sont les qualités d’un bon arbitre ?
L’esprit de décision rapide et le courage sont des éléments clés. Il faut également savoir être clair et capable d’adapter ses méthodes aux différentes psychologies des joueurs. Finalement, l’impartialité est évidemment de rigueur en toute situation.
On dit d’un arbitre qu’il a été bon si on ne l’a pas remarqué…
Le prêtre est un intermédiaire entre Dieu et son peuple. Tout comme lui, l’arbitre doit savoir se mettre au service des gens. La mise en valeur n’est pas dans son intérêt. Les palabres sont à éviter au maximum. Si un directeur de jeu commence à se justifier, il perd beaucoup de sa crédibilité et les joueurs tenteront d’exploiter cette faiblesse.
Éprouvez-vous une certaine réticence à siffler la défaite d’une équipe qui a du cœur, face à une formation antipathique et agressive ?
Non, je m’efforce de ne pas avoir d’état d’âme. Je m’interdis ce genre de sentiments lorsque je suis sur un terrain de football. Il est dit dans la bible que Dieu fait pleuvoir sur les justes comme sur les injustes. Je protégerai impitoyablement les plus faibles des fautes commises contre eux, mais je ne les favoriserai en aucun cas.
Avez-vous le souvenir d’une erreur particulière, commise en tant qu’arbitre ?
À mes débuts, je me souviens avoir sifflé un penalty en fin de match, pour une faute tout à fait anodine. L’équipe sanctionnée avait concédé le match nul et avait été reléguée. Je dois dire que j’avais regretté ce manque d’expérience.
Dans la religion chrétienne, on refuse les idoles, qu’en est-il des footballeurs que vous avez admirés ?
Je suis un grand supporter de la Squadra Azura et du Milan AC. J’aimais voir évoluer des joueurs comme Gianni Rivera ou Dino Zoff. En Valais, j’appréciais Fernand Luisier. Issu d’un petit club, il est pourtant allé très loin. Le terme d’idolâtrie ou de fanatisme n’est cependant pas applicable à ce que je ressentais.
Quelle est votre position face à l’évolution de l’arbitrage et à l’éventuelle utilisation de la vidéo ?
Je trouve que la manière de siffler s’accorde bien au football moderne. L’emploi de trios arbitraux fixes serait à mon sens bénéfique, grâce aux automatismes qui se créent. Au sujet de la vidéo, j’y suis opposé car le football est un jeu dont le charme premier est la spontanéité.
Des sportifs viennent-ils vous trouver pour se confesser ?
Certains footballeurs viennent me voir à la fin des matches pour s’excuser de leur attitude. Un ami dont j’avais béni l’union peu auparavant m’avait demandé pardon pour son comportement qu’il avait lui-même qualifié de honteux. C’est vrai qu’il était devenu méconnaissable.
Votre parcours a-t-il croisé celui du FC Bulle ?
Bien entendu. Notamment lorsqu’un dimanche, à la suite d’un mariage que je célébrais, j’ai dû me changer en quatrième vitesse dans ma voiture pour venir arbitrer les Gruériens. Je me souviens également des belles années du FC Bulle de Didi Andrey.
Les joueurs ont-ils des attitudes différentes à votre égard lorsqu’ils ont connaissance de votre profession ?
Le déroulement de la partie influence beaucoup le comportement des protagonistes. Une équipe qui entrevoit la victoire me témoignera peut-être plus de respect. Lorsque l’ombre de la défaite plane, toute considération est oubliée. Les insultes fusent du terrain et surtout des gradins : “Cochon de curé, va t’occuper des premiers communiants ! Retourne dans ta sacristie !”
Un prêtre ne devrait pas être partial, selon les joueurs, et si une décision leur semble inappropriée, ils considéreront l’injustice d’autant plus grande.
Cela m’est arrivé d’entendre : “Je ne vous pensais pas capable de ça. Vous me décevez.” Il faut apprendre à supporter ces affronts.
François-Xavier AMHERDT,
(Interview accordée à un journal local,
avec la permission de l’auteur)
(Paru dans Présence Mariste n°256, Juin 2008)